L’importance du consentement éclairé dans un processus de responsabilité communautaire

Toutes les personnes impliquées dans une démarche de responsabilisation communautaire doivent offrir leur consentement éclairé avant de s’y engager, indépendamment de leur position dans la situation de violence. Les participant-es doivent comprendre ce qui est attendu d’elleux, leurs responsabilités dans le cadre du processus, et accepter d’y participer en toute connaissance de cause. 

Pour que les changements de comportements et de croyances s’inscrivent de manière durable, toute démarche de transformation doit impliquer l’engagement authentique de la personne concernée. Sans cela, il y a un risque important que les attitudes et comportements dommageables refassent surface automatiquement dès que la personne revit du stress, que ses capacités sont dépassées, ou que la pression sociale diminue.

Et si l’auteur-ice des torts ne veut pas faire un processus de responsabilité?

Dans un premier temps, soyez patient-e et prenez le temps d’engager des conversations répétées avec la personne pour discuter des torts commis, de leurs répercussions, et des possibilités de prise de responsabilité et de transformation. Il peut être utile que des personnes ayant des liens divers avec l’auteur-trice des torts prennent part à cette démarche pour l’encourager à avancer. Si les échanges en tête-à-tête ne suffisent pas, pensez à mobiliser un soutien social plus large, en sollicitant des allié-es ou en obtenant un appui institutionnel, tout en veillant à maintenir un cadre respectueux et bienveillant. Gardez toutefois en tête que pour qu’un changement prenne racine, il doit être volontaire et éclairé ; autrement, la personne ne pourrait adopter qu’un changement de surface, voire résister ou même esquiver le processus, consciemment ou non, ce qui risquerait de nuire à l’ensemble des participant-es. Une telle situation peut aussi générer du ressentiment et ébranler la confiance envers les démarches de responsabilisation et la solidarité communautaire.

Si, après de nombreuses tentatives, la personne ayant commis les torts refuse toujours de se responsabiliser, il est possible d’entamer un processus sans elle. Des démarches de soutien peuvent être mises en place pour accompagner celles et ceux qui ont subi la violence, et permettre des réparations, même sans la participation de l’auteur-e des torts. La guérison ne dépend pas de la volonté de l’autre de se responsabiliser, même si, bien sûr, il est essentiel que la violence cesse pour permettre ce processus. Dans cette situation, l’accent peut être mis sur le travail avec la communauté et la personne touchée pour les accompagner dans leur parcours de guérison et d’apprentissage. 

Et si la personne qui a vécu les torts ne veut pas participer au processus de responsabilité?

Il arrive parfois que la personne ayant subi les torts ne souhaite pas participer au processus de responsabilité. Elle peut ne pas voir en quoi ce processus lui serait bénéfique ou penser qu’il est surtout orienté vers la responsabilisation de la personne ayant commis les torts, sans lui offrir de soutien direct. Elle peut aussi préférer se concentrer sur d’autres priorités et ne pas vouloir raviver des blessures, ou encore trouver injuste de devoir investir du temps et des efforts pour guérir de torts dont elle n’est pas responsable. De plus, elle peut éprouver de la honte d’avoir vécu cette violence et craindre d’être reconnue publiquement, même auprès de ses proches ou dans sa communauté, comme une victime, et que ça nuise à sa réputation. Enfin, elle pourrait aussi être davantage en faveur d’une réponse punitive que d’une démarche de justice transformatrice. 

Toutefois, il est souvent pertinent de continuer à aborder la guérison, la responsabilité et la transformation, et de rappeler les bienfaits que ces démarches peuvent apporter. Il arrive que des moments spécifiques dans la vie d’une communauté génèrent une énergie collective propice à la guérison, dont la personne blessée pourrait bénéficier sans nécessairement s’impliquer pleinement. Parfois, simplement jeter un coup d'œil au processus peut aider, chacun-e avançant à son rythme et selon ses propres besoins. 

Afin de soutenir les personnes ayant vécu les torts dans cette démarche, il peut être utile de leur proposer des formes de soutien et d’accompagnement adaptées. On peut être créatif-ves dans les manières d’encourager une orientation vers la guérison, par exemple en mettant en place des espaces de parole, des ressources spécifiques, ou des pratiques collectives qui s’insèrent fluidement dans la dynamique communautaire.

Il est courant que la pression sociale soit plus forte sur la personne responsable des torts, pour qu’elle s’engage dans une transformation, alors que les survivant-es ne ressentent pas la même attente de participer activement à une démarche de guérison. Nous avons constaté combien il est important de respecter le rythme et les besoins des personnes  blessé·e·s et de reconnaître que les dynamiques de pouvoir et de pression sont inégales de part et d’autre. Même si leur engagement dans le processus n’est pas immédiat ou visible, il reste essentiel de les soutenir en affirmant notre présence, en leur montrant notre confiance en leur capacité de transformer et en adaptant le processus à leur rythme. 

Dans le cas où la personne ayant subi les torts ne souhaite pas participer directement, il est toujours possible de poursuivre le processus pour soutenir la transformation et la responsabilisation de l’auteur-e des torts. On peut rassembler des informations sur les histoires et les dynamiques problématiques pour créer un plan de transformation adapté. Si désiré, des réparations peuvent être offertes à la communauté et qui répondent à des besoins collectifs. La justice transformatrice vise en fin de compte à renforcer la résilience de toute la communauté, même lorsque les chemins empruntés par chacun-e sont différents.

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